Ah ça ira, ça ira, ça ira ! (3)

Publié le par Jean-no

Il existe une autre élite que l'élite intellectuelle disais-je.
Il existe en effet l'élite au sens du petit nombre qui dispose d'un pouvoir financier, politique ou symbolique, voire tout ça à la fois. Cette élite peut être issue de l'élite intellectuelle, mais ça n'est pas une fatalité et réciproquement. Un journal comme Le Monde par exemple, qui possède l'aura de "journal de référence" constitue une forme d'élite : les politiques et les universitaires se battent pour y publier des tribunes bien que ceux qui font Le Monde ne soient pas nécéssairement des universitaires ou des politiques. Y être mentionné est l'assurance d'être d'une manière ou d'une autre un sujet respectable, d'exister - car Le Monde est à la fois très lu (moins que Le Parisien ou L'Équipe mais plus que Le Figaro et Libération), diffusé nationalement et internationalement, mais en même temps considéré comme un support sérieux : tous les journalistes lisent Le Monde. Si Le Canard Enchaîné débusque un scandale politique, financier, note une petite phrase, etc., ça fera sans doute du bruit, mais pour que ce bruit deviennet important, que l'affaire soit considérée, il faudra qu'elle passe dans Le Monde, notamment s'il s'agit d'une affaire incompréhensible ou trop technique. Dans le cas d'une affaire simple à expliquer, le journal télévisé, malgré la faiblesse de la qualité des analyses qu'il s'autorise à produire, est encore le média le plus puissant et le plus influent, au point qu'il est aussi celui qui bénéficie de la plus grande impunité - impunité due au fait notamment qu'il s'abrite généralement derrière un autre média : "selon notre confrère Le Monde...", "selon la veuve de... ", mais aussi du au fait qu'il fonctionne comme un flux que rien ne saurait interrompre, que personne n'ose contrarier, eu égard notamment aux considérations économiques en jeu. Du coup la télévision ne permet presque jamais de "droit de réponse" et ne s'astreint à aucune forme de rectifications/corrections. Mais cela est un autre débat.
Je parle beaucoup du Monde car ce journal emblématique fait régulièrement preuve d'une certaine hostilité vis à vis de Wikipédia : les écrits de Pierre Assouline et de Francis Marmande, l'article étrange qui a suivi le résultat du procès en diffamation, la révélation, par le biais d'une filliale (la société de presse gratuite régionale) d'un fait délictueux,... Cet acharnement (tempéré par les billets de Francis Pisani) est assez étonnant.

L'élite journalistique n'aime pas beaucoup Wikipédia, dont le modèle de fonctionnement, et notamment le modèle économique (jusqu'ici, un refus total de la compromission), est trop bizarre. Une fois quelques sujets "bienveillants" faciles épuisés (une présidente française,...), certains passent à l'attaque. Ils cherchent des poux à Wikimédia et Wikipédia en feignant de découvrir ce que la logique la plus élémentaire permettait de déduire des principes techniques de fonctionnement de l'encyclopédie en ligne : si n'importe qui peut effectuer une modification, il est évident que des dérives ou des détournements du projet puissent avoir lieu régulièrement : insultes, diffamation,... Les questions "graves", telles que les annonces prématurées de décès, les calomnies en dessous de la ceinture, constituent un pain béni pour ceux  qui cherchent à rendre Wikipédia suspecte. Imaginez le plaisir qu'ils prendront à voir dévoilée une anomalie de 100 euros ou une note de frais d'intérêt discutable dans la comptabilité de Wikimédia !
Ces gens ne sont pas organisés, il ne s'agit pas d'un complot (en démocratie, un journaliste est persuadé d'être libre de ses écrits), mais à mon avis de l'envie inconsciente de voir la fondation Wikimedia aculée, à force de procès, à "faire comme tout le monde", c'est à dire à rapporter de l'argent et pas seulement à en coûter, histoire de fournir une preuve supplémentaire du fait que la corruption, la compromission, est la seule voie raisonnable.
Les alcooliques font pareil : ils font en sorte que les autres plongent, car l'image d'eux-mêmes que leur renvoie ceux qui ne partagent pas leur vice les désespère.

Voilà où je voulais en venir. Une certaine élite, l'élite la moins légitime à mon humble avis, celle que constitue la presse, n'aime pas trop wikipédia - tout en l'utilisant :  on a déjà vu des nécrologies de journaux "de référence" grossièrement décalquées - même plan, formules à peine différentes - sur des articles issus de Wikipédia.

Mais les Wikipédiens n'aiment pas énormément la presse eux-mêmes : emphase, écriture familière, stylisme, généralisation des cas particuliers,... Tout ce qui fait le langage journalistique est honni sur Wikipédia. Un bon article de Wikipédia est justement dépouillé de toute trace de journalistose.
Plusieurs Wikipédiens ont déjà fait remarquer que le travail qu'ils effectuaient sur le corpus encyclopédique avait même complètement modifié leur vision des médias d'information (notamment télé) : imprécision, formules vagues, affirmations gratuites, non sourcées,...

Bref, il est bien possible que toutes les formes d'élite ne soient pas amies de Wikipédia, et réciproquement._bug_fck

Publié dans Wikipédia

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