Critique de la critique de la critique

Un jeune homme dont le nom m'est familier (je pense m'être battu ou au contraire allié avec lui sur des forums de discussion, il y a longtemps - ma mémoire défectueuse m'interdit d'être catégorique), a rédigé sur parutions.com une critique du livre des étudiants de Pierre Assouline.
Je lui ai répondu par mail, et je reproduis ici mon propos :

[...] Alors première chose : on n'a pas l'impression que vous ayez lu beaucoup plus loin que la préface, car le livre des étudiants d'Assouline est en fait plutôt juste. [...]
En revanche la préface est malhonnête et partisane. Elle évoque parfois des vandalismes qui n'ont été affichés que quelques heures et revisite un peu l'histoire à son profit : quand David Monniaux a compris que Sciences-Po avait sciemment ajouté des erreurs dans Wikipédia pour dire ensuite "il y a des erreurs" (pompier pyromane hein), il a effectivement bloqué l'accès en écriture de l'IEP. Il y a eu débat, tout le monde était loin de le soutenir du reste et la mesure a fini par être abandonnée. Cependant quand des vandalismes à répétition émanent d'une école, il n'est pas rare qu'on lui interdise l'accès à Wikipédia. Question de survie. Est-ce que vous connaissez beaucoup de bibliothèques qui laisseraient leur clé à des personnes dont elles savent qu'ils arrachent les pages de leurs livres ?
De même pour l'affaire de Tony Blair converti au catholicisme : la mention frauduleuse a été corrigée dans la minute même. Puis un quart d'heure plus tard, les étudiants de Sciences-Po ont rétabli l'erreur qu'ils avaient sciemment ajouté une première fois. Là, le contributeur qui avait corrigé la première fois a utilisé Google pour vérifier s'il s'agissait bien d'un vandalisme ou d'une information. Et il est tombé sur de nombreux sites mentionnant le projet de conversion au catholicisme de Tony Blair... Dans le doute, il n'a plus touché à l'article. Le vandalisme s'est transformé en prédiction puisque quelques mois plus tard, Blair s'est effectivement converti. [...]

Bon, je pourrais faire la revue des approximations que contient votre article : félicitations, vous pouvez prendre une carte de presse si ce n'est déjà fait. [Note : je n'ai pas pu m'empêcher hein]
  Bref, vous ne rendez pas justice à ce livre et vous ne faites que véhiculer le cliché qu'Assouline veut imposer sur Wikipédia. J'ai discuté avec Assouline sur RFI. Je l'ai trouvé sympathique mais j'ai aussi vu que c'était avant tout un professionnel des médias : il vend des idées simples, des clichés, il refuse sciemment d'accepter ce qui ne va pas dans le sens qu'il a décidé (et je parie qu'il aurait pu décider une position exactement inverse). 

Cependant, son discours est plein de contradictions. Il m'a dit clairement (et à tous les auditeurs de RFI) que la vérité était une affaire de professionnels (toutes les dictatures s'accordent à le dire il est vrai). Il m'a dit que les étudiants de Sciences-Po était l'élite du pays avant d'avouer que cette élite utilisait comme source primaire une encyclopédie collaborative et vandalisable à tout instant (ce qu'est Wikipédia). Il a compris l'anecdote quand je lui ai raconté que [Un grand journal du soir] avait recopié la bio publiée sur Wikipédia d'un artiste comme nécrologie, mais il n'en tire pas de conséquence. 

Pour moi, le formidable défi de Wikipédia n'est pas de constituer l'encyclopédie parfaite. C'est de s'approprier la connaissance. Chacun peut contribuer mais très vite, on ne peut contribuer qu'en se renseignant, c'est à dire que pour enseigner il faut apprendre, et de nombreux wikipédiens apprennent à rédiger, ordonner, se documenter, respecter les règles de typographie,... Bref Wikipédia rend ses contributeurs plus savants... Et rend souvent service à ses lecteurs, du moins à ceux qui veulent connaître la date de naissance de Victor Hugo ou apprendre ce qu'est un cosinus.

Je ne vois pas en quoi une nouvelle encyclopédie (même perfectible, ou plutôt, qui assume sa perfectibilité) peut être une mauvaise nouvelle.

 

Ce mail a eu une réponse que je ne peux très malheureusement pas reproduire ici, du voeu de son auteur.